vendredi 22 janvier 2010

Un florilège de noms

La forêt de Fontainebleau comporte des centaines de chemins – ici, on dit des Routes- et de carrefours. Tous ont un nom, qui figure souvent sur une plaque de zinc clouée aux arbres.

Ces noms ont une histoire. Ils ont été attribués au fil des siècles et on peut distinguer plusieurs «couches» de noms, qui se sont déposées comme des couches géologiques. Au milieu du XVIIIe siècle, deux ou trois cents noms anciens, attribués au cours du temps, ont été officialisés. En 1835, l’administration des Eaux et Forêts a décidé de dénommer toutes les routes et tous les carrefours qui ne portaient pas encore de nom. Il a fallu alors trouver huit cents noms! Depuis lors, il n’y a guère eu qu’une centaine de noms nouveaux.

Les noms donnés par les forestiers composent une nomenclature ordonnée selon diverses thématiques. On découvrira ainsi, en parcourant la forêt, des galeries de personnages illustres (rois, reines et favorites, grands de ce monde, responsables des Eaux et Forêts, hommes de lettres et de science, artistes …) mais aussi des notables locaux ou de simples gardes, voire d’illustres inconnus. Les « baptiseurs » de route ont aussi largement puisé dans le vocabulaire de la chasse à courre, ainsi que dans celui du monde de la forêt: noms d’arbre, d’oiseaux, de mammifères…Les gardes assassinés dans l’exercice de leurs fonctions, ceux fusillés par les Prussiens en 1870 ou les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale ont été honorés. On trouve même, sur un autre registre, une carte du tendre…

Ces noms n’ont pas été distribués au hasard dans la forêt. Ils sont parfois attachés à une particularité des lieux – la Route du Montoir d’Ury comporte évidemment une montée, le Mont Pierreux abritait des carrières qui fournirent les matériaux du château. Ils sont aussi souvent regroupés par sujets, qui peuvent faire l’objet de promenades à thèmes : grands forestiers du XIXe siècle, familles royales, champignons, artistes du château, vocabulaire de la vénerie...

lundi 18 janvier 2010

Le "Guide des noms de la forêt de Fontainebleau"

par Alain Monnier


Plus de 1000 noms expliqués,

une soixantaine de notices thématiques

240 pages

9,5 €



Points de vente :
Barbizon : Musée Ganne

Bois-le-Roi : Librairie « Contes et lecture », Pl. de la Gare

Bourron-Marlotte : La Tabatière du Roy


Fontainebleau : Librairie Michel, Pl. du Marché; Librairie « Plein Ciel », Pl. du Marché ;

Franchard : Centre d'éco-tourisme

Melun : Librairie de l'Escalier, rue Saint Aspais; Librairie Plein Ciel, rue Paul Doumer

Milly-la-Forêt: Librairie de la Halle Labeillesix, 8 pl. du Marché; Maison de la Presse, pl. du Marché

Moret-sur-Loing : Librairie « Les Petits Papiers »

Nemours : Librairie Marion ; Maison de la Presse (rue Gauthier 1er)

PARIS: Librairie du Vieux Campeur, rue du Sommerard, Paris 5°

Saint-Mammès: Librairie du Quai

Vaux-le-Pénil : Librairie « Vaux Livres »

Vulaines-sur-Seine : Maison de la Presse du Centre Commercial.


Vente par correspondance :
Adressez vos commandes aux « Éditions de la Route Ronde », 23 rue de l’Eglise, 77870 Vulaines-sur-Seine. Paiement par chèque à l’ordre d’Alain Monnier : 9,5 € par exemplaire (pas de frais de port: envoi gratuit). N’oubliez pas d’indiquer précisément l’adresse d’expédition.

En vente également sur PriceMinister

Pour en savoir plus...

Quelques références...

- Pierre Dan, Fontainebleau Le trésor des merveilles de la maison royale, Le Livre d’histoire, Res Universis, Paris, 1990 (1ère édition : 1642)
- Paul Domet, Histoire de la forêt de Fontainebleau, Lafitte Reprints, Marseille, 1979 (1ère édition : 1873)
- Guide des sentiers de promenade dans le massif forestier de Fontainebleau, édité par l’Association des Amis de la Forêt de Fontainebleau (2004)
- Félix Herbet, Dictionnaire historique et artistique de la forêt de Fontainebleau, 1903 (voir le site de l’Association des amis de la forêt de Fontainebleau (http:/aaff.org)
- Jean-Pierre Hervet et Patrick Mérienne, Fontainebleau Une forêt de légendes et de mystère, Editions Ouest-France, Rennes, 2004
- Jean Loiseau, Le massif de Fontainebleau, Vigot, Paris, 2005 (1ère édition : 1935)

THEMATIQUES, de A à Z...

Quelques unes des thématiques qui ont inspiré les "baptiseurs" de routes et carrefours sont présentées ci-dessous...

Il y en a bien d'autres, et, au total, le "Guide des Noms de la Forêt de Fontainebleau" en présente une soixantaine.

Administration forestière


L’administration des Eaux et Forêts mise en place en 1801 est largement évoquée dans les noms des routes et carrefours, notamment en rendant hommage à certains de ses membres, nommément désignés (voir "Cadres éminents des Eaux et Forêts" ). Mais elle est aussi représentée, dans un secteur situé à l’est de la route menant de la Croix de Toulouse à Fontaine-le-Port, de façon plus anonyme, par toute la hiérarchie des grades de l’administration des Eaux et Forêts, de l’Inspecteur* ou Conservateur aux simples Gardes, en passant par l’Inspecteur général, l’Ingénieur vérificateur, le Garde général. On regrette que, pour l’Ancien Régime il n’y ait que le grand maître et le greffier, et que rien ne rappelle le « garde-marteau », les « sergents traversiers », ou le « sergent dangereux, collecteur des amendes » évoqués par Pierre Dan dans son ouvrage « Le trésor des merveilles de la maison royale de Fontainebleau », publié en 1642.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

dimanche 17 janvier 2010

Bâtisseurs et décorateurs du chateau


Toute une série de noms, pour la plupart attribués à des routes et carrefours situés entre Fontainebleau et les Gorges de Franchard, rappelle le souvenir des artistes qui ont édifié et décoré le château. On trouve ainsi des bâtisseurs et des architectes comme Gilles Le Breton* (mort en 1552), maître maçon parisien qui signe en 1528 le devis des travaux destinés à transformer la vieille construction médiévale en un château tel que le souhaitait François Ier, à l’image des grandes demeures des princes d’Italie, Sébastien Serlio (1475-1554), architecte italien nommé architecte en chef de la Cour, auteur d’un célèbre traité d’architecture, Philibert Delorme (1510-1570), ou les Du Cerceau, cette famille dont deux membres ont participé à l’édification de Fontainebleau : le fondateur, Jacques (vers 1510- vers 1585), qui a publié les plus anciens plans du château, et son petit-fils Jean (1585-1649). Sont également honorés les représentants les plus fameux des première et seconde « École de Fontainebleau » : le Primatice (1504-1570), peintre, sculpteur et architecte qui dès 1532 se consacra au château de Fontainebleau, son successeur Rugiero Rugieri, nommé surintendant des peintures en 1578, Ambroise Dubois (1543-1614), le peintre attitré de Marie de Médicis, Toussaint Dubreuil (1561-1602), ainsi que son beau-frère, le sculpteur Barthélemy Tremblay (1568-1629), le maître doreur Guillaume Rondelet et Martin Fréminet (1567-1619). On trouve également, pour la même époque, le sculpteur Germain Pilon (1535-1590) et, sous le règne de Louis XIII, l’architecte Jacques Lemercier (1585-1654), ainsi que le peintre décorateur Claude de Hoey (1585-1660) et son élève, Claude Lefebvre (1637-1675). Un seul créateur postérieur au XVIIe siècle est ensuite évoqué, Maximilien Hurtault (1765-1824), architecte surtout connu pour son Jardin anglais, dans l’enceinte du parc.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

samedi 16 janvier 2010

Bestes noires et fauves


Pour les chasseurs, selon une dénomination ancienne, les "bestes noires" sont les sangliers, les "bestes fauves", les cerfs et les chevreuils. Ces animaux ont largement inspiré les forestiers chargés de trouver des noms aux routes et carrefours. Le cerf * a été une source d’inspiration particulièrement riche, avec une douzaine de termes s’y référant. Outre le mot désignant le groupe, la harde, on trouve en effet tous les noms désignant les différents âges de la bête, qui se déterminent à l’examen des bois. Ni le faon, le petit de la biche, ni le jeune hère (âgé de 6 mois à 1 an) ni le brocart (âgé d’un an) n’ont de bois, qui apparaissent sur la tête du daguet vers douze à dix-huit mois. A partir de l’âge de trois ans, un nouvel andouiller (ces ramifications en forme de petite corne), qu’on appelle aussi cor, apparaît chaque année au moment de la mue. Ainsi se forme l’empaumure, les bois du cerf s’élargissant comme une main dont les andouillers seraient les doigts ; dans certains cas, l’empaumure constitue une véritable couronne. Les bois du cerf sont couverts d’une croûte raboteuse, la perlure. Un cerf de trois ans qui n’a qu’un seul andouiller sur chaque corne est un deuxième tête. Le quatrième cor qui pousse quand le cerf a cinq ans est la chevillure et celui de l’année d’après la tronchure. Enfin quand le cerf a cinq andouillers sur chaque corne, c’est un dix cors, âgé de sept ans environ. La plupart de ces appellations sont situées dans un périmètre assez restreint, un triangle dont le sommet serait la Croix de Vitry, les cotés la départementale 606 (anciennement RN 6) et la Route de Bourgogne (D138), et la base la Route de Luxembourg. De même, pour le chevreuil on trouve sa femelle, la chevrette et le chevrillard , jeune chevreuil, au nord-est du Carrefour de la Croix de Saint-Hérem.
Le sanglier a également inspiré toute une série de noms, dans un secteur situé principalement aux Monts de Faÿ. Ainsi, on trouvera, outre le sanglier, la femelle - laie- et le marcassin, son petit Mais il y a aussi des termes qui désignent les différents âges de la vie du sanglier : ragot - sanglier de moins de trois ans qui a quitté la compagnie, c'est-à-dire son groupe ; quartenier - sanglier de quatre ans ; solitaire - vieux sanglier, sorti de compagnie. D’autres noms évoquent différentes parties de son corps : boutoir - le groin ; écoute - l’oreille du sanglier ; hure - la tête, défense - les dents hypertrophiées de la mâchoire inférieure. A noter : dans le même secteur on trouve un carrefour et une route du vautrait, l’équipage – hommes, chevaux et chiens - pour la chasse au sanglier.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Cadres éminents des Eaux et Forêts


A partir de 1801 est mise en place une nouvelle administration de la forêt, les Eaux et Forêts. Les responsables de la forêt de Fontainebleau au XIXe siècle, successeurs des grands maîtres et maîtres particuliers (voir "Grands forestiers de l’Ancien Régime")trouvent une place toute naturelle dans la dénomination des routes et carrefours. Plusieurs d’entre eux sont ainsi passés à la postérité : de Franqueville*, l’Inspecteur Granger, le Conservateur Sthème, président d'une commission, nommée en mars 1852 par le ministre des Finances pour établir un plan d'aménagement et d'exploitation de la forêt, Leclerc Son du Marais, en poste de 1849 à 1861, Mory de Neuflieux (1861-1871), Sainte-Fare(1875-1886), Froideau (1886-1890), Croizette-Desnoyers (1890-1897), Reuss (1897-1912 et 1914-1919 par intérim), Fossier (1912-1914 puis 1919-1924) ou Sinturel (1924-1933).

Mais une lignée de forestiers est particulièrement honorée, celle de Pierre-Jean-Victor Marrier de Bois d’Hyver. Pendant un siècle, des membres de la famille Marrier de Bois d’Hyver ont occupé des postes importants dans l’administration forestière : lieutenants de la maîtrise particulière sous l’Ancien Régime, puis inspecteurs – ou conservateurs. Sont passés à la postérité sur les panneaux de la forêt de Fontainebleau : Pierre-Jean-VictorMarrier de Bois d’Hyver (1752-1823), qui occupe cette charge jusqu’en 1815 ; son gendre Jean-Charles-Nicolas de Larminat, jusqu’en 1830 ; enfin, à partir de cette date, et jusqu’en 1848, son fils Achille Marrier de Bois d’Hyver (1794-1874), qui était en fonction lors de la grande opération de dénomination des routes et carrefours, en 1835 et dont la femme a donné son nom à la Fontaine Désirée (découverte en 1837). Au total, cinq routes, cinq carrefours et un pont -le Pont Victor- ont perpétué le souvenir de ces trois grands forestiers. En outre, tout un secteur délimité par les Hauteurs de la Solle à l’ouest, par le Grand Mont Chauvet au sud et par la Route de Luxembourg au nord, partiellement occupé aujourd’hui par l’hippodrome de la Solle a été dédié à des membres des familles Marrier et de Larminat: Amélie Jurien et surtout les deux filles de Jean-Charles-Nicolas de Larminat, AnaïsFélicie qui eurent droit de surcroît à une Route des Deux Sœurs ; l’une d’elle s’étant mariée, en 1829, des routes célébrèrent les étapes amoureuses de ce mariage : le (premier ?) Regard, l’Amitié, les Accords et l’Union !

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

vendredi 15 janvier 2010

Canton

Le canton a été longtemps la division traditionnelle de la forêt de Fontainebleau, notamment depuis 1716, date à laquelle M. de la Faluère*, grand maître de l’Ile-de-France, fit procéder à un arpentage de la forêt, et à une délimitation précise des cantons. Les 189 cantons alors dénombrés furent officiellement désignés par les noms que l’usage leur avait attribués au cours des siècles. En 1750, le grand maître Duvaucel remania les limites de ces cantons, dont le nombre s’établit alors à 176, traça des chemins, de telle sorte que chaque canton était circonscrit par un chemin et dressa un plan de ces cantons. Au fil de l’extension de la forêt, on dénombrait à la fin du XIXe siècle 182 cantons. Les noms de ces cantons ont été très souvent formés à partir de termes décrivant le relief (Monts, Gorges, Vallées, Plaine, Platières, Rocher) ou faisant référence au statut particulier de certains secteurs de la forêt (Bois, Ventes…). En 1835, lorsqu’il a fallu donner des noms aux routes et carrefours de la forêt, les forestiers officialisèrent les noms traditionnels des cantons et les démultiplièrent même dans la mesure où, très souvent, le carrefour situé au centre du canton et la route la plus importante le traversant se sont vus attribuer le nom du canton. Dans cet ouvrage, lorsqu’un canton est encore appelé par son nom traditionnel, nous l’avons qualifié de « canton historique » ; il arrive qu’une route ou un carrefour porte le nom d’un canton qui n’existe plus en tant que tel : nous parlerons alors « d’ancien canton » ; enfin certains cantons ont disparu et aucune route, aucun carrefour ne porte leur nom : on peut dire qu’ils sont tombés dans l’oubli.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

jeudi 14 janvier 2010

Carte du tendre


Cette appellation désigne un exercice de style dont « l’inventeur » fut Madeleine de Scudéry, dans un roman paru dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Il s’agit de l’évocation d’un pays imaginaire dont les villages et lieudits porteraient des noms de sentiments amoureux. On trouve, autour du Rocher des Demoiselles, toute une série de routes et carrefours dont les noms esquissent une véritable carte du tendre. On a du mal à imaginer les responsables de l’administration forestière de 1835 s’adonnant à ce jeu littéraire, et on peut penser que ce sont plutôt leurs épouses qui, dans les salons de la bonne société de Fontainebleau, se sont amusées à tracer cette carte imaginaire, en pouffant derrière leurs éventails…Chacun pourra parcourir à sa guise toute l’étendue des passions évoquées, mais on peut tracer quelques lignes directrices. En partant du carrefour entre la Route d’Occident et la D 607 (ex RN 7), un peu au nord de l’aqueduc de la Vanne, on accède à ce secteur par les Routes du Vert Galant* - le surnom évocateur de Henri IV, infatigable amoureux- puis de la jeunesse: le ton est donné ! On aborde Cythère et on pénètre dans le domaine de Cupidon et Vénus. Regardez bien : derrière les arbres se cachent les Dryades, les Satyres et les Faunes…Plein d’espérance, entraîné par votre flamme, vous avez donné rendez-vous à l’objet de votre amour. Ensuite, comment résister à l’attraction qui émane de la beauté et de la séduction ? Ce ne sont que soupirs, caresses et embrassades. Pour les amants, entraînés par une force pleine de mystère, tout est source de joie et bonheur, mais attention au faux-pas fatal ! En poursuivant votre chemin, vous découvrirez l’épilogue de cette passion : après les adieux et les pleurs, vient le temps des regrets puis celui des oublis...

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

mercredi 13 janvier 2010

Drame au chateau


Tout un secteur de la forêt, dans un triangle dont le sommet serait le carrefour du Grand Veneur et la base une ligne allant du Cuvier-Chatillon à Belle-Croix (parcelles 256, 885-888), retrace le dramatique assassinat, le 10 novembre 1657, de Monaldeschi*, jeune et brillant marquis italien, sur ordre de la reine Christine de Suède, fille du roi Gustave. Monaldeschi était le Secrétaire, c'est-à-dire l’homme de confiance, et l’amant de la reine Christine, qui le fit froidement et sauvagement exécuter par des hommes de main dans la galerie des Cerfs du château de Fontainebleau, sous les yeux du Père Lebel, un ecclésiastique chargé d’assister le malheureux dans ses derniers moments. De quel crime s’était donc rendu coupable Monaldeschi pour mériter cette justice expéditive ? Il semble que la reine l’ait accusé d’avoir trahi ses projets en vue de reprendre Naples aux Espagnols. La présence d’une Route des Plaisirs et d’une Route de la Jalousie à proximité des Routes Christine et Monaldeschi suggère, en arrière-plan, des considérations plus passionnelles que politiques…

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

lundi 11 janvier 2010

Exploitation forestière


Le bois constitue, depuis des siècles, une richesse dont l’exploitation était parfois concédée par le propriétaire. C’est ce que révèlent les multiples Ventes, qui étaient des secteurs alloués à des marchands (Ventes Bouchard*, Ventes Caillot…) ou à des communautés (Ventes de Macherin, Ventes du Lys, par référence à l’abbaye du Lys, à Dammarie). Dans la même veine d’inspiration, il y a aussi la Réserve, canton où l’on laisse se développer la futaie, l’Affectation, c'est-à-dire la division d’un canton du point de vue de son exploitation forestière ou encore la Recherche, opération par laquelle les forestiers font l’inventaire des arbres qui doivent être remplacés.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

samedi 9 janvier 2010

Faits divers


La forêt garde la mémoire d’évènements tragiques, le plus souvent avec mort d’homme, et qui sont souvent commémorés précisément là où ils ont eu lieu. Ce sont d’abord des accidents de cheval ayant entraîné la mort du cavalier : M. De Tourzelle*, en 1788, le peintre Decamps en 1860, ou s’étant conclus plus heureusement, comme pour le chevalier Dauberon qui survécut à sa chute. Il y a ensuite les gardes forestiers assassinés par des braconniers, Marthe (tué en 1815), à qui sont également dédiées les Routes de l’assassinat et des délinquants, et Sampité (en 1887). Un autre épisode fameux est le duel entre Jean Zamet et M. de Vidossang, au début du XVIIe siècle. Jean Zamet, le fils d’un grand financier italien, danseur fort maladroit, avait été ridiculisé, lors d’un bal, par M. de Vidossang. Il le défia en duel et le tua – mauvais danseur mais bon bretteur !-, au croisement de la route du Montoir et de celle qui porte le nom de sa victime. Enfin, il y a des évocations moins personnalisées, qui rappellent les larrons sévissant en forêt, et le malheur qui guettait quiconque s’aventurait en forêt: la funèbre découverte d’un homme mort ou la mort, de froid, d’habitants de Montigny qui se seraient égarés.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

vendredi 8 janvier 2010

Familles royales et impériales


Louis-Philippe*, roi des Français de 1830 à 1848 et sa famille ont été largement honorés par les forestiers de 1835 : déférence au souverain régnant oblige ! Ils ont en effet rendu hommage à son épouse, la Reine Amélie, puis à leurs nombreux enfants : Ferdinand (1810-1842), leur fils aîné, le prince héritier mort accidentellement en 1842, Louise (1812-1850), la Princesse Marie (1813-1839), le Prince Royal Louis (1814-1896), Clémentine (1817-1907), François, le prince de Joinville (1818-1900), Charles, duc de Penthièvre (1820-1828), Eugène, duc d’Aumale (1822-1897) et Antoine, duc de Montpensier (1824-1890). Seule manque Françoise (1816-1818), disparue précocement. Pour compléter ce tableau de famille, ajoutons Adélaïde la sœur de Louis-Philippe (1777-1847), un de ses gendres, Léopold, premier roi des Belges, époux de Louise, et une de ses belles-filles, Hélène de Mecklembourg-Schwerin, l’épouse de Ferdinand. Ces noms se répartissent dans plusieurs secteurs de la forêt : Louis Philippe, sa sœur Adélaïde et la Reine Amélie ainsi que Léopold et Louise ont donné leurs noms à des routes très proches de Fontainebleau, au nord de la ville ; la Route d’Aumale traverse la Plaine de Samois, la Route de Penthièvre est proche de Thomery et les routes consacrées aux autres enfants sont au sud-ouest de la forêt domaniale, principalement autour du Carrefour des Grands Feuillards (jonction des parcelles 634, 636 et 637), où convergent d’ailleurs les routes de la princesse Marie, de Joinville, de Montpensier et Clémentine.

Pour Napoléon III, les forestiers du Second Empire avaient moins de latitude que leurs prédécesseurs : presque toutes les routes et carrefours avaient déjà un nom. Ils réussirent cependant à attribuer un carrefour et une route à l’empereur, dans la Plaine de Sermaise (le carrefour Napoléon est situé à la jonction des parcelles 317, 323 et 334) et une route à l’Impératrice (parcelles 30 et 40). Quant au Prince Impérial, la route tournante à son nom était, semble-t-il, retombée dans l’anonymat dès le début des années 1900.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Grands forestiers de l'Ancien Régime


Les hauts représentants de l’administration forestière de l’Ancien Régime ont été largement honorés dans l’attribution de noms aux routes et carrefours. Rappelons que le grand maître des Eaux et Forêts avait compétence sur l’Ile-de-France, le maître particulier sur la forêt de Fontainebleau. Au cours des siècles, traditionnellement, la mémoire de plusieurs grands maîtres des Eaux et Forêts avait été perpétuée par des croix à leur nom, érigées aux carrefours importants, qui étaient souvent des lieux de rendez-vous pour les chasses royales. Les croix d’Augas* (grand maître à la fin du XVIe siècle), de Souvray et de Vitry (début du XVIIe), de Montmorin de Saint-Hérem (fin du XVIIIe) nous rappellent ainsi le souvenir de célèbres grands maîtres des forêts royales. La croix du Grand Maître, à elle seule, illustre l’importance de cette charge, créée au tout début du XIIIe siècle par une ordonnance de Philippe-Auguste.

Au-delà de ces lieux emblématiques, routes et carrefours, du nord au sud de la forêt, ont reçu, en 1835, les noms de différents grands maîtres ou de maîtres particuliers. Ainsi s’est perpétué le souvenir des Fleury, dont le père et le fils se succédèrent pendant la première moitié du XVIIe siècle ou de Le Féron. Dans la plupart des cas, c’est en raison d’une intervention remarquable dans l’exercice de leurs fonctions que ces grands forestiers ont été honorés :
- Paul Barillon d’Amoncourt (1630-1691), grand maître des Eaux et Forêts sous Colbert, fut chargé en 1664 de procéder à la « réformation » des forêts d'Ile-de-France. Cette opération avait pour objectif d'établir un inventaire des forêts, d'en fixer les limites et de mettre au clair les titres de propriété. A Fontainebleau il fit procéder à un bornage complet de la forêt. Il fut assisté dans cette tâche par M. de Froidoure, conseiller du roi;
- M. de La Faluère, grand maître des Eaux et Forêts de l'Ile-de-France de 1703 à 1745, fit faire en 1716 l'arpentage de la forêt, fixa les limites des cantons et leur attribua des noms, souvent repris d'anciennes dénominations ;
- M. Desquinemare, arpenteur général des Eaux et Forêts de l'Ile-de-France, releva en 1727 un plan de la forêt ;
- M. Duvaucel, grand maître des Eaux et Forêts de l’Ile-de-France, chargé en 1750 d’effectuer le bornage de la forêt, il fit poser 1050 bornes délimitant précisément le domaine royal ;
- M. de Cheyssac, qui lui succéda en 1784, fut le dernier à occuper la charge de grand maître des Eaux et Forêts de l'Ile-de-France. Venu du Languedoc, il tenta d'introduire le pin maritime, mais la plupart périrent de froid durant l'hiver 1788-1789.

Les charges de grand maître se transmettaient parfois au sein d’une même famille. Ainsi, les Montmorin, illustre famille d'officiers forestiers furent en charge de la forêt de 1655 à 1792. François-Gaspard de Montmorin, marquis de Saint-Hérem, fut nommé maître particulier en 1655. Ses descendants occupèrent la place jusqu'à la Révolution: Charles-François (nommé en 1701), Jean-Baptiste (1722), Louis-Victoire-Luc (1782; guillotiné en 1792).

Tous les forestiers dont le nom a été honoré n’occupaient pas la plus haute charge, celle de grand maître. On compte aussi un lieutenant de la maîtrise particulière, Lefoin, et le sieur Gaullier, qui en tant que « garde marteau » avait la responsabilité du marteau utilisé pour marquer les arbres à abattre, en usage encore aujourd’hui chez les forestiers. Complétons cette liste avec Alexis Jaillot, qui n’était pas un forestier mais un cartographe et imprimeur, auteur d’une carte des maîtrises des Eaux et forêts de France publiée en 1689.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Illustres inconnus

De parfaits inconnus ont donné leur nom, ou leur prénom, à des routes et carrefours pour des raisons qui nous échappent. Qui étaient Amédée*, Céleste, Clémence, Edouard, Henry, Hippolyte, Jean, Marie, Ninon ou Raymond? Des forestiers ? Des mères, des épouses, des filles ou fils de forestiers ? Et qui était ce John dont une route portait le nom au Bas-Bréau ?

Plus étrange encore, quelques noms propres constituent de véritables énigmes : Cévise, Charpentier, Gauthier, Péraut, Saint-Feuillet, Saint-Marc et Vanier ont été, en leur temps, des célébrités ou au moins des notables locaux. Pourtant, ils n’ont, semble-t-il, laissé aucune trace, en dehors des panneaux à leur nom ! Peut-être s’agissait-il de gardes ou de cadres forestiers.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Mammifères

Une bonne quinzaine d’espèces de mammifères sauvages ont donné leur nom à des routes et carrefours : belette*, blaireau, cerf, chevreuil, daim, écureuil, hérisson, hermine, lapin, lièvre, loir, loup, martre, putois, renard, sanglier. Toutes les espèces de mammifères sauvages évoquées sont encore présentes en forêt, à l’exception du daim et du loup.

En outre, on trouve, pour une même espèce, différentes appellations propres à l’un ou l’autre sexe et aux différents âges des animaux concernés, ainsi que des noms en rapport avec ces espèces. Les deux exemples les plus frappants de ces exercices de style concernent le cerf, le chevreuil et le sanglier (voir Bestes noires et fauves), mais les forestiers de 1835 ont utilisé le même procédé pour :
- le lièvre et le lapin – avec le bouquin et la hase, respectivement mâle et femelle du lièvre ou du lapin, le levraut, jeune lièvre, le gîte, le terrier, ou la rabouillère, terrier que les lapines creusent à l'écart pour y faire leurs petits et enfin la gibelotte qui est une sorte de ragoût de lapin !
- le loup – avec la louve, le louveteau, le louvart, jeune loup d’un à deux ans et le liteau, lieu où il se repose ;
- le renard avec le renardeau.

Il y a également des noms d’animaux domestiques, comme la mazette (mauvais petit cheval), le furet et le chien, cette dernière espèce étant représentée par le dogue, dont Littré nous dit qu’il s’agit de « chiens dont on se sert pour assaillir et coiffer –happer aux oreilles- les sangliers et les loups »-, l’épagneul, le lévrier (chien pour chasser le lièvre). Enfin, la génisse, le taureau, les vaches, le parc aux bœufs, évoquent l’époque où des troupeaux paissaient en forêt de Fontainebleau.

Au total, les noms se référant à des mammifères, y compris les termes de vénerie relatifs aux cerfs et sangliers, sont au nombre d’une cinquantaine, répartis dans différents secteurs de la forêt, selon un certain ordre. D’une façon générale, les noms de mammifères sont situés dans les zones périphériques de la forêt plutôt que dans les zones centrales et ils constituent des groupes relativement homogènes. Ainsi, les noms relatifs au cerf et au sanglier sont au nord de la forêt, ceux du lapin dans le sud-est (Plaine de la Haute Borne), ceux du loup vers le Rocher de Milly, ceux du renard vers les Gorges de Franchard et ceux de différents petits mammifères – hermine, hérisson, putois…- dans le nord est de la forêt (Bois la Dame).

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Monde végétal


Plusieurs dizaines de routes et carrefours portent des noms d’arbres ou des mots apparentés au domaine de « l’arbre ». On trouve d’abord des espèces bien identifiées : acacias*, ailante, alisier, aulne, bouleaux, cèdre, charme, châtaignier, chêne, chêne des Marais, chêne rouge, épicéa, érable, érable à fruits cotonneux, frêne, genévrier, hêtre, houx, if, merisier, néflier, peuplier de Virginie, peuplier du lac Ontario, pin, pin sylvestre, pin laricio, platane, poirier, pommier, saule, séquoia, sophora, ypréaux. La liste des noms retenus apparaît comme étant une sélection, assez parcimonieuse. Quatre vingt espèces d’arbres « remarquables » ont en effet été dénombrées en forêt selon les décomptes minutieux effectués par les Amis de la Forêt de Fontainebleau ("Arbres remarquables du massif forestier de Fontainebleau") et on comprend que les forestiers de 1835 n’aient pas retenu les sept espèces de chênes, les quatre espèces de cerisiers, les six espèces d’érables…présentes en forêt.

Les autres noms en rapport avec des arbres peuvent être l’une des espèces ci-dessus, agrémentée d’un qualificatif (chêne tortu, pour tordu), ou au pluriel (« Route des Pins » ou « Carrefour des Sept Pins »), ou encore peuvent désigner un individu spécifique : le Beau Tilleul (arbre planté au centre du carrefour du Cabinet de Monseigneur), le Bouquet du Roi (vieux chêne de la Tillaie, abattu par le vent au XIXe siècle). On trouve aussi des termes désignant un lieu planté d’une espèce particulière : boissière (lieu planté de buis), boulaie (lieu planté de bouleaux), chesnaie (lieu planté de chênes), saussaye (lieu planté de saules, s’écrit aussi « saussaie ), pommeraie (lieu planté de pommiers), tillaie (lieu planté de tilleuls).

Outre ces noms, on trouve seulement quelques noms d’arbustes ou de plantes : l’aubépine, le serpolet, la violette, la fougère, surabondante en forêt, mais aussi le chardon, plus rare.

Un nom retient l’attention : l’isatis, qui désignait au XIXe siècle une plante dont on tirait le pastel (dans son sens actuel l’isatis est un renard gris bleu des régions arctiques, dont on ne voit pas pour quelle raison il aurait pu donner son nom à un massif de la forêt). Enfin, un nom pittoresque, le cul de chaudron, est l’appellation vulgaire de l’amélanchier, arbuste à petites fleurs blanches.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Naturalistes


L’exploitation rationnelle de la forêt, et plus généralement la connaissance de ce milieu naturel, reposent sur les travaux de générations de scientifiques, au premier rang desquels on trouve les Naturalistes*, qui étudient la flore et la faune. Les grands fondateurs des sciences naturelles modernes sont évidemment présents : Buffon (1707-1788), auteur d’une monumentale « Histoire naturelle »; Linné (1707-1778), naturaliste suédois, inventeur d'un système de dénomination des espèces animales, végétales et des minéraux, au moyen de deux noms latins; Darwin (1809-1882), biologiste anglais à l'origine de la théorie de la sélection naturelle ; Mendel (1822-1884), le père fondateur de la génétique. D’autres représentants, de moindre notoriété, de ces disciplines, ont bénéficié du privilège de laisser leur nom en forêt. On trouve ainsi trace d’Étienne Dutour (1711-1789), René-Just Haüy (1743-1822), minéralogiste, André Michaux (1746-1802) et Augustin Augier, botanistes français, Louis Augustin Guillaume Bosc (1759-1828), naturaliste et directeur du Jardin des Plantes, Paul Delorme, entomologiste de la fin du XIXe siècle et Gaston Bonnier (1853-1922), le fondateur du laboratoire de biologie végétale de Fontainebleau (aujourd’hui rattaché à l’Université Paris VII), auteur d’ouvrages de référence sur la flore. D’autres naturalistes, les spécialistes de la sylviculture, ont été particulièrement honorés (voir Savants forestiers).

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

jeudi 7 janvier 2010

Nobles et grands de ce monde


Au-delà des rois, de leurs épouses et de leurs maîtresses, de nombreux personnages appartenant aux cours royales sont évoqués sur les plaques forestières. Un second cercle se dessine ainsi, composé de grands de ce monde disparu, qui, à un titre ou un autre, ont marqué l’histoire de France, ou, à tout le moins, l’histoire de Fontainebleau.

Une sombre période de l’histoire de France, celle des Guerres de Religion, est particulièrement évoquée, à travers différents protagonistes. Les Guise*, Joyeuse, Mayenne sont très engagés du coté des catholiques, voire des ultras, les Ligueurs, ces extrémistes qui trouvaient le pouvoir royal trop faible vis-à-vis des protestants. François de Guise (1519-1563) a fait réprimer dans un bain de sang la Conjuration d’Amboise ; son fils, Henri (1550-1588) a participé activement à la Saint-Barthélémy avant de prendre la tête de la Sainte Ligue. Anne de Joyeuse (1560-1587), un des « mignons » du roi Henri III, s’est rendu célèbre pour avoir fait massacrer huit cents Huguenots à La Mothe-Saint-Héray. Charles de Mayenne (1554-1611), lui aussi chef de la Ligue, fit acte de soumission à Henri IV qui, dit-on, ne lui infligea d’autre châtiment qu’une promenade dans les jardins du château de Fontainebleau... D’autres personnages de ces époques troublées ont aussi été honorés, comme Saint-Mégrin ou Tavannes. Dans le camp d’en face, le seul protestant cité est Duplessis-Mornay (1549-1623), auteur d’un « Traité de l’Eucharistie » qui donna lieu en 1600, précisément à Fontainebleau, à un débat avec Du Perron, homme d’église et poète.

Bien des grands noms s’affichent ensuite. La célébrité de certains suffit à expliquer leur présence : Léonard de Vinci, Sully, Vauban, des Maréchaux de France, tels Biron et Bassompierre, contemporains de Henri IV, Luxembourg, vainqueur de la bataille de Fleurus en 1690, Saxe, vainqueur de la bataille de Fontenoy, les Villeroy, père et fils, précepteurs de Louis XIV et Louis XV, Toulouse, fils naturel du Roi Soleil…D’autres entretiennent en outre un lien particulier avec Fontainebleau. C’est le cas par exemple de Mazarin (1602-1661), qui fut maître particulier de la forêt de Fontainebleau de 1646 à 1649 ou du Grand Condé (1621-1686), mort à Fontainebleau, ou encore de Bossuet. Parfois, ce sont des familles de la noblesse, possédant une résidence à Fontainebleau, qui ont été honorées, comme les Clermont ou les Cossé-Brissac. Pour des personnages de moindre envergure, on peut penser que c’est particulièrement en raison de ce lien avec Fontainebleau qu’ils ont été honorés d’une plaque. Si l’Abbé Guénée, adversaire de Voltaire, précepteur des Princes (les petits-fils de Louis XV) n’était pas mort à Fontainebleau, en 1803, si Jean-Louis Beringhem n’y était pas né en 1633, auraient-ils été retenus par les forestiers quand il a fallu donner un nom aux routes et carrefours ?

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Oiseaux


Près d’une cinquantaine d’oiseaux sont évoqués. Il ne s’agit que d’une sélection parmi la « faune volante » de la région, qui compte encore aujourd’hui près de trois cents espèces (Jean-Philippe Siblet, "Les oiseaux du massif de Fontainebleau et des environs", Editions Chabaud-Lechevalier, 1988, Paris) On trouve bien entendu les noms des espèces assez communes: alouette*, chardonneret, choucas, corbeau, corneille, chouette, chat huant et pic épeiche, fauvette, geai, grive, hirondelle, martinet, mésange, passereau, perdreau, pie, pigeon et ramier, pinson, pic vert, roitelet, rossignol, tarin, tourterelle. D’autres appellations, plus inattendues, se réfèrent à des oiseaux rares dans la forêt de Fontainebleau. C’est le cas par exemple de la buse, de la caille, de la canepetière ou du perdreau, plus fréquents dans les champs que dans les bois ou de l’aigrette, du héron, du râle ou du courlis, vivant plutôt dans les zones marécageuses. Il en va de même de l’ortolan, qui préfère le sud-ouest à nos latitudes. La palme de la rareté revient évidemment au merle blanc, qui est en fait un merle noir…albinos. D’autres noms ne manquent pas d’un certain charme désuet, comme becfigue, ancienne appellation d’un genre regroupant la bergeronnette et la fauvette, ou hochequeue, pour désigner la bergeronnette qui, lorsqu’elle marche, ne cesse de remuer sa queue relevée. Une place particulière revient aux oiseaux de proie,autour, épervier, émouchet, faucon, crécerelle, gerfaut, hobereau, milan, tiercelet – sans oublier le nid de l’aigle dont il est permis de douter qu’il ait jamais existé… Outre ces appellations spécifiques, on trouve également des termes plus génériques : la poule, le coq, l’œuf, la couvée. Les carrefours et routes auxquels ces noms sont attachés, situés à proximité de la Faisanderie, suggèrent qu’ils se réfèrent au faisan (poule faisane, coq faisan…).

Ces noms d’oiseaux ont été attribués à des routes et carrefours situés un peu partout dans la forêt, sauf dans le nord et le nord-est où ils sont quasi absents, à de rares exceptions près, dont celle de l’improbable merle blanc à proximité de Chailly-en-Bière. Quelques « rassemblements » méritent d’être signalés : au sud de la Butte Montceau ; entre la Faisanderie et Franchard ; enfin, au sud de la forêt, entre les Grands Feuillards et le Haut Mont

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Passionnés de la forêt


Les hommes qui se sont intéressés à la forêt de Fontainebleau ne sont pas seulement des administrateurs forestiers, des naturalistes ou des spécialistes de la sylviculture. Il y a eu aussi des passionnés qui, à des degrés divers, ont contribué à la rendre célèbre. Dès le XVIIIe siècle, l’Abbé Guilbert* publiait un ouvrage consacré en partie à la forêt, afin « d’indiquer aux voyageurs les plus beaux endroits qu’ils doivent visiter dans cette Forest ». On peut signaler aussi, dans les premières années du XIXe siècle, le « Guide du voyageur à Fontainebleau » (1820) de Charles Remard ainsi que le poème consacré à la forêt de Fontainebleau par un naturaliste, René-Richard Castel. Mais le plus connu de ces passionnés est Claude-François Denecourt (1788-1875), qui a consacré la seconde moitié de sa vie à la forêt de Fontainebleau. Premier « Sylvain », créateur des sentiers bleus, aménageur de diverses curiosités (grottes, défilés…) dans la forêt, il est aussi l'auteur de guides et cartes qui connaîtront de multiples rééditions. Le sylvain Colinet (1839-1905), ancien agent des Ponts et Chaussées, a poursuivi l'œuvre de Denecourt. Il traça de nouveaux sentiers en forêt et poursuivit l'édition des guides et cartes de la forêt. Après sa mort, sa veuve, à qui fut dédiée la Fontaine Maria, continua à publier le guide «Denecourt-Colinet», jusqu’aux années 1930.

Dans le domaine des monographies à caractère historique consacrées à la forêt de Fontainebleau, deux noms se dégagent : Paul Domet et Félix Herbet. Le premier, sous-inspecteur des Eaux et Forêts à Fontainebleau est l’auteur d’une « Histoire de la forêt de Fontainebleau », parue en 1873, qui constitue la référence obligée sur le sujet. Le second publie 30 ans plus tard, en 1903, un « Dictionnaire historique et artistique de la forêt de Fontainebleau », minutieux inventaire des routes et carrefours, ainsi que des tableaux, gravures, dessins… consacrés à la forêt. Il faut ajouter à ces deux piliers de l’histoire de la forêt Paul Prégent, auteur notamment du Guide Bleu sur Fontainebleau et la forêt.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Petites gens


La forêt regorge de noms empruntés à la noblesse ou au vocabulaire de la chasse, mais les « petites gens », les humbles habitants des villages alentours sont singulièrement peu représentés. On trouve tout au plus quelques métiers forestiers – bineur*, élagueur, planteur- ainsi que berger, vacher, charbonnier, postillon, artisan. Les grands absents, eu égard à leur nombre, sont les carriers, seulement évoqués par quelques noms évoquant leurs lieux de travail : atelier Grandjean, batterie ou carrières. Les forestiers de 1835 n’ont sans doute pas voulu perpétuer le souvenir de ces ouvriers qui, quelques années auparavant, lors de la Révolution de Juillet 1830, avaient manifesté bruyamment sous les fenêtres de l’inspecteur des Eaux et Forêts, par ailleurs maire de Fontainebleau, le contraignant à un départ précipité.

Quelques rares termes donnent un aperçu des conditions d’existence des villageois sous l’Ancien Régime. Crochet est à cet égard très évocateur. Il s’agit d’un crochet en bois fixé au bout d’un long manche, qui permettait de faire tomber les branches mortes haut situées. L’usage de cet instrument s’appuyait sur un droit reconnu aux habitants des villages riverains de la forêt qui peuvent ainsi « prendre le bois sec tiré au crochet, sans y pouvoir porter aucun ferrement, sur peine d’amende » (Pierre Dan, « Le trésor des merveilles de la maison royale de Fontainebleau », Paris, 1642). Autres droits d’usage : le panage, c'est-à-dire le droit de faire paître les porcs (la paisson) – les deux routes portant ces noms se rencontrent parcelle 508-, ainsi que le droit de mener les « bestes à cornes » en forêt, et de les faire reposer aux dormoirs. Mais en contrepartie, les villageois devaient se porter sur les lieux où se déclarait un incendie et « payer au Roi, pour hommage et reconnaissance de ses bienfaits, chaque ménage un boisseau d’avoine mesure de Melun, et un double chacun ».

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Rois, reines et favorites


Louis-Philippe et toute sa famille, ainsi que Napoléon* III à un moindre degré, ont été honorés par les forestiers (voirFamiles royales et impériales). Les rois défunts n’ont pas eu droit à un tel hommage : mis à part Henri IV, également évoqué sous son surnom de Vert-Galant, aucun n’a donné son nom à une route ou à un carrefour. On cherchera en vain François Ier (seulement évoqué de façon allusive par son emblème, la Salamandre), Louis XIII, Louis XIV (il y avait un ancien canton dénommé le Grand Bourbon, mais ce nom n’a pas été retenu par les baptiseurs de 1835), Louis XV ou Louis XVI, sans parler de Louis XVIII ou Charles X, pourtant quasi contemporains. Sans doute, en ce début des années 1830, était-il mal venu d’évoquer les Bourbons (on n’alla toutefois pas jusqu’à débaptiser les Ventes Bourbon…) alors qu’un membre de la maison d’Orléans occupait le trône ! Mais, comme il était difficile de faire silence sur deux siècles d’histoire royale, surtout à Fontainebleau, ce sont les noms de leurs épouses ou des plus célèbres de leurs maîtresses qui ont été retenus.

Ainsi, on passe de l’Histoire à l’histoire galante. Diane de Poitiers (1499-1566), maîtresse de Henri II, a droit à trois nominations, sous son prénom -Diane-, sous son nom de famille -Poitiers- et sous son titre de duchesse du Valentinois. Gabrielle d’Estrées (1573-1599), maîtresse de Henri IV, partage sa renommée avec celle de Marie de Médicis, qu’il épousa après l’annulation de son premier mariage avec Marguerite de Valois. Défilent ensuite quelques unes des maîtresses de Louis XIV, les plus connues : Louise de La Vallière, Françoise-Athénaïs de Montespan, la marquise de Maintenon (secrètement épousée après la mort de la reine), les trois sœurs Mancini (Marie, Olympe, Hortense) et Mademoiselle de Fontanges. L’épouse légitime n’est pas en reste, et se voit attribuée la route Marie-Thérèse. En comparaison, Louis XV fait pâle figure : il n’a droit qu’à l’évocation de la marquise de Pompadour. Quant à Marie Antoinette, si l’Obélisque lui est dédié, ainsi qu’à ses enfants, (mais les forestiers de 1835 n’y sont pour rien) son nom n’apparaît pas, même si la Route de la Reine a été ouverte sous le règne de son époux. La topographie des routes et carrefours dédiées aux épouses et favorites s’organise comme suit : les maîtresses se partagent tout un secteur assez restreint –on pourrait presque dire qu’elles s’y bousculent- situé au sud du château entre la D 606 (ex RN 6) et le Petit Mont Chauvet, à proximité immédiate du château. Celles d’Henri II et de Henri IV sont à l’est, celles de Louis XIV à l’ouest. Les épouses se sont vues attribuer des routes dans des secteurs nettement plus éloignés, comme pour leur éviter de croiser leurs rivales ….La belle Route Marie-Thérèse (4 km environ) relie les Buttes de Franchard à la Maison forestière du Bas Bréau, sur la D 607 (ex RN 7) ; la Route Médicis (Marie de Médicis épouse d’Henri IV) traverse, le long de l’Aqueduc de la Vanne, la forêt d’est en ouest sur 9 km, à partir de Veneux-les-Sablons.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Savants forestiers


Parmi les savants qu’on pourrait appeler les « naturalistes » (voir ce mot), les agronomes et spécialistes de la sylviculture ont été particulièrement honorés. Olivier de Serres* (1539-1619) est un des plus connus. Considéré comme le père de l’agronomie, il avait en outre un lien particulier avec Fontainebleau, puisqu’il conseilla le jardinier d’Henri IV - Claude Mollet (1563-1650)- pour la création des jardins du château. Viennent ensuite, par ordre chronologique : Duhamel du Monceau (1700-1782), agronome ; Pecquet, auteur des « Lois forestières de France », publié à Paris en 1752 ; Jean Henriquez (1728-1800), auteur d'ouvrages de jurisprudence sur les Eaux et Forêts ; André Thouin (1747-1824), botaniste et agronome ; les Varenne de Fenille, une lignée d'hommes de science, agronomes et sylviculteurs durant trois générations, du grand-père (1710-1780) au père (1750-1794) et au fils (1780-1848) ; Bonaventure Chailland (altéré en Chaillaut), auteur du « Dictionnaire raisonné des Eaux et Forêts » (1769) ; Jacques-Joseph «Baudrillart (1774-1832), auteur d'ouvrages, notamment juridiques, sur les Eaux et Forêts, la chasse, la pêche; Etienne-François Dralet (1760-1844), agronome et forestier, auteur d'une œuvre importante, à la fois comme économiste rural et comme écrivain scientifique et forestier ; Lemonnier enfin, qui introduisit la culture du pin en 1786. Une mention spéciale doit être faite pour Bernard Lorentz (1775-1865), le fondateur de l'école forestière de Nancy, ainsi que pour Philibert Guinier (1876-1962), directeur de cette même institution chargée de la formation des ingénieurs et techniciens forestiers. Enfin, la visite en 1900 de la forêt de Fontainebleau par les membres du Congrès international de sylviculture est immortalisée par le carrefour du Congrès Forestier, au Bas Bréau. Les regroupements les plus notables de ces noms se situent entre le Mont Aigu et le Puits du Cormier, ainsi que dans la Plaine du Fort des Moulins (et cantons adjacents), deux secteurs où l’on trouve aussi des « naturalistes ».

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.

Vénerie


La chasse, sous toutes ses formes - chasse à courre, au faucon, au tir…- a été une des grandes occupations des rois durant leurs séjours à Fontainebleau. Des dizaines de routes et carrefours portent des noms du vocabulaire de la vénerie et évoquent ces passe-temps royaux. Mais on trouve aussi trace de pratiques concernant les plus modestes gibiers, lièvres et lapins, et qui pouvaient tout aussi bien être le fait des gardes que…des braconniers.

La vénerie, est précisément la chasse à courre au gros gibier, cerf ou sanglier. De nombreux noms évoquent les différentes péripéties de la chasse, ses principaux acteurs ou se réfèrent aux particularités et au comportement du gibier (voir notamment Bestes noires et fauves).

La chasse à courre nécessite d’abord un grand équipage de chasse, c'est-à-dire des hommes, des chevaux et des chiens (un vautrait* pour le sanglier), placé sous la responsabilité d’un valet à cheval, le piqueur. Il faut notamment une meute de dogues ou de limiers, gros chiens de chasse avec lesquel le veneur quête et détourne la bête pour la lancer quand on veut la courir, chiens dont on écouait (coupait) la queue sous Henri IV au carrefour des Écouettes.

Une phase cruciale de la chasse consiste à déterminer où se trouve le gibier, et quelles sont ses caractéristiques. Pour cela, les valets de limier examinent le terrain, à la recherche d’indices, qui peuvent être une connaissance (ou un revoir), empreinte du pied d'une bête qui permet au veneur d’apprécier son allure, ou sa façon de marcher, d'après laquelle on peut connaître l'espèce, le sexe, l'âge, la force de l'animal. S’il trouve une telle empreinte, le valet de limier dépose une brisée, c'est-à-dire une branche rompue pour reconnaître l'endroit où est passée la bête, la partie brisée étant placée dans le sens de la marche. Autre signe marquant la présence du cerf, le frévoir, la marque qu’il laisse sur des branches contre lesquelles il frotte ses bois pour les débarrasser de la peau qui les recouvre, ou la portée, cette trace que ses bois font sur les taillis.

Une fois le cerf ou le sanglier repéré, le piqueur fait son rapport au maître d’équipage puis il faut lancer la bête pour la débucher (faire sortir) de son fort, ce fourré impénétrable où elle est rembuchée. Au moment du lancé, quand la bête sort de son repaire, il faut imaginer le spectacle au laisser courre, où l’on détache les chiens qui se ruent à la poursuite de la bête, alors que la fanfare retentit ! Mais la bête sait multiplier les ruses, c'est-à-dire les détours, pour égarer les chiens, qui se mettent en quête. Si la bête revient sur ses pas, les chiens peuvent perdre sa trace, tomber en défaut et il ne reste plus alors qu’à sonner le hourvari à grands coups de trompe pour les rappeler. Lorsque le chien retrouve une piste, il y a rencontre et la chasse reprend, Quand la bête est enfin acculée, qu’elle se rend, on sonne l’hallali. Puis, quand tout est fini, il faut sonner la retraite, pour rappeler les chiens. On étend alors la nappe, la peau du cerf, sur laquelle est donnée aux chiens la curée (on dit aussi le carnage), cette portion de la bête qui leur revient. Ce spectacle haut en couleurs qu’est la chasse à courre a eu ses peintres, et notamment Louis Godefroy Jadin, au XIXe siècle.

Les routes et carrefours dont les noms ont été empruntés au vocabulaire de la vénerie se trouvent dans toute la forêt -à l’exclusion de sa partie la plus centrale- et en particulier dans les grandes étendues propices à la chasse à courre. Deux sites sont particulièrement riches, l’un au nord de la forêt, approximativement entre le Rocher Canon et Bois-le-Roi (où l’on trouve également de nombreux noms relatifs aux cerfs) et l’autre au sud, de part et d’autre de la Route Ronde, à l’est du carrefour de la Croix de Saint Hérem.

Mais il y a d’autres chasses que la chasse à courre et d’autres gibiers que le gros. Le fauconnier élève et dresse des oiseaux de proie, notamment des faucons, qui constituent un vol, c'est-à-dire un équipage d’oiseaux dressés pour la chasse. Dans la chasse au héron, le hochepied est le nom donné au premier des oiseaux qui attrape la proie. Il faut aussi évoquer la faisanderie, où l’on élevait des faisans ou les parquets, qui étaient des enclos (ou clos) où l’on élevait et chassait du gibier.

Enfin, il y a des chasseurs qui se mettent à l’affût et d’autres qui utilisent des pièges (on parle alors de piégeurs) qui peuvent être divers : la bourse est une sorte de sac placée à l'entrée d'un terrier pour prendre les lapins que l'on chasse au furet, le panneau est un filet permettant de prendre des lièvres, voire des cerfs (d'où l'expression "tomber dans le panneau"); la poche est un filet en forme de poche ; la tente est un filet déployé pour prendre des oiseaux de passage ; le collet est un nœud coulant disposé pour prendre le gibier Bien entendu, le chasseur est équipé d’un carnier, sac pour mettre le gibier. La plupart de ces noms de pièges se trouvent au sud-est de la forêt, en particulier Plaine de la Haute Borne, à proximité des Routes du Furet, de la Hase ou du Lapin.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.