jeudi 7 janvier 2010

Petites gens


La forêt regorge de noms empruntés à la noblesse ou au vocabulaire de la chasse, mais les « petites gens », les humbles habitants des villages alentours sont singulièrement peu représentés. On trouve tout au plus quelques métiers forestiers – bineur*, élagueur, planteur- ainsi que berger, vacher, charbonnier, postillon, artisan. Les grands absents, eu égard à leur nombre, sont les carriers, seulement évoqués par quelques noms évoquant leurs lieux de travail : atelier Grandjean, batterie ou carrières. Les forestiers de 1835 n’ont sans doute pas voulu perpétuer le souvenir de ces ouvriers qui, quelques années auparavant, lors de la Révolution de Juillet 1830, avaient manifesté bruyamment sous les fenêtres de l’inspecteur des Eaux et Forêts, par ailleurs maire de Fontainebleau, le contraignant à un départ précipité.

Quelques rares termes donnent un aperçu des conditions d’existence des villageois sous l’Ancien Régime. Crochet est à cet égard très évocateur. Il s’agit d’un crochet en bois fixé au bout d’un long manche, qui permettait de faire tomber les branches mortes haut situées. L’usage de cet instrument s’appuyait sur un droit reconnu aux habitants des villages riverains de la forêt qui peuvent ainsi « prendre le bois sec tiré au crochet, sans y pouvoir porter aucun ferrement, sur peine d’amende » (Pierre Dan, « Le trésor des merveilles de la maison royale de Fontainebleau », Paris, 1642). Autres droits d’usage : le panage, c'est-à-dire le droit de faire paître les porcs (la paisson) – les deux routes portant ces noms se rencontrent parcelle 508-, ainsi que le droit de mener les « bestes à cornes » en forêt, et de les faire reposer aux dormoirs. Mais en contrepartie, les villageois devaient se porter sur les lieux où se déclarait un incendie et « payer au Roi, pour hommage et reconnaissance de ses bienfaits, chaque ménage un boisseau d’avoine mesure de Melun, et un double chacun ».

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.