vendredi 8 janvier 2010

Grands forestiers de l'Ancien Régime


Les hauts représentants de l’administration forestière de l’Ancien Régime ont été largement honorés dans l’attribution de noms aux routes et carrefours. Rappelons que le grand maître des Eaux et Forêts avait compétence sur l’Ile-de-France, le maître particulier sur la forêt de Fontainebleau. Au cours des siècles, traditionnellement, la mémoire de plusieurs grands maîtres des Eaux et Forêts avait été perpétuée par des croix à leur nom, érigées aux carrefours importants, qui étaient souvent des lieux de rendez-vous pour les chasses royales. Les croix d’Augas* (grand maître à la fin du XVIe siècle), de Souvray et de Vitry (début du XVIIe), de Montmorin de Saint-Hérem (fin du XVIIIe) nous rappellent ainsi le souvenir de célèbres grands maîtres des forêts royales. La croix du Grand Maître, à elle seule, illustre l’importance de cette charge, créée au tout début du XIIIe siècle par une ordonnance de Philippe-Auguste.

Au-delà de ces lieux emblématiques, routes et carrefours, du nord au sud de la forêt, ont reçu, en 1835, les noms de différents grands maîtres ou de maîtres particuliers. Ainsi s’est perpétué le souvenir des Fleury, dont le père et le fils se succédèrent pendant la première moitié du XVIIe siècle ou de Le Féron. Dans la plupart des cas, c’est en raison d’une intervention remarquable dans l’exercice de leurs fonctions que ces grands forestiers ont été honorés :
- Paul Barillon d’Amoncourt (1630-1691), grand maître des Eaux et Forêts sous Colbert, fut chargé en 1664 de procéder à la « réformation » des forêts d'Ile-de-France. Cette opération avait pour objectif d'établir un inventaire des forêts, d'en fixer les limites et de mettre au clair les titres de propriété. A Fontainebleau il fit procéder à un bornage complet de la forêt. Il fut assisté dans cette tâche par M. de Froidoure, conseiller du roi;
- M. de La Faluère, grand maître des Eaux et Forêts de l'Ile-de-France de 1703 à 1745, fit faire en 1716 l'arpentage de la forêt, fixa les limites des cantons et leur attribua des noms, souvent repris d'anciennes dénominations ;
- M. Desquinemare, arpenteur général des Eaux et Forêts de l'Ile-de-France, releva en 1727 un plan de la forêt ;
- M. Duvaucel, grand maître des Eaux et Forêts de l’Ile-de-France, chargé en 1750 d’effectuer le bornage de la forêt, il fit poser 1050 bornes délimitant précisément le domaine royal ;
- M. de Cheyssac, qui lui succéda en 1784, fut le dernier à occuper la charge de grand maître des Eaux et Forêts de l'Ile-de-France. Venu du Languedoc, il tenta d'introduire le pin maritime, mais la plupart périrent de froid durant l'hiver 1788-1789.

Les charges de grand maître se transmettaient parfois au sein d’une même famille. Ainsi, les Montmorin, illustre famille d'officiers forestiers furent en charge de la forêt de 1655 à 1792. François-Gaspard de Montmorin, marquis de Saint-Hérem, fut nommé maître particulier en 1655. Ses descendants occupèrent la place jusqu'à la Révolution: Charles-François (nommé en 1701), Jean-Baptiste (1722), Louis-Victoire-Luc (1782; guillotiné en 1792).

Tous les forestiers dont le nom a été honoré n’occupaient pas la plus haute charge, celle de grand maître. On compte aussi un lieutenant de la maîtrise particulière, Lefoin, et le sieur Gaullier, qui en tant que « garde marteau » avait la responsabilité du marteau utilisé pour marquer les arbres à abattre, en usage encore aujourd’hui chez les forestiers. Complétons cette liste avec Alexis Jaillot, qui n’était pas un forestier mais un cartographe et imprimeur, auteur d’une carte des maîtrises des Eaux et forêts de France publiée en 1689.

* Les mots en italique sont des noms de routes ou carrefours.